Éloge des para-commerces
La nouvelle loi relative à la dérégulation du commerce de détail vient à peine d’entrer en vigueur, et déjà ses conséquences commencent à être visibles. Rappelons, pour celles et ceux qui n’auraient pas suivi les mois de débat qui ont précédé son vote, qu’elle vise à redonner une certaine liberté aux commerçants en leur permettant de s’abstraire des règles qui entravent l’activité commerciale et la liberté d’entreprendre.
Le modèle, cité en exemple plusieurs fois lors des débats au parlement, est celui des parapharmacies : si la vente de certains médicaments, comme ceux nécessitant une ordonnance médicale, nécessite la présence d’un pharmacien diplômé, d’autres (produits de beauté, d’hygiène…) peuvent parfaitement être vendus sans les mêmes restrictions.
Ainsi, sur le modèle des pharmacies et parapharmacies, nous commencerons à voir bientôt apparaître dans nos rues :
- Des para-boucheries, qui ne nécessitent pas la présence d’employés ayant la moindre formation en boucherie ou en découpe de la viande, ni le respect des règles d’hygiène. Toute personne disposant d’un local commercial et de carcasses d’animaux pourra librement les débiter en morceaux et les vendre, en respectant toutefois deux conditions. Tout d’abord, la personne ne pourra pas utiliser les appellations contrôlées comme « entrecôte » ou « aloyau ». Elle ne pourra pas non plus vendre les hauts-morceaux et le muscle des animaux traditionnellement vendus en boucherie (poulet, bœuf, cochon, cheval…). La para-boucherie pourra en revanche faire commerce de tous les autres organes (viscères, os, nerfs…) desdits animaux, ainsi que les parties charnues d’animaux moins souvent consommés (rongeurs, chats et chiens, reptiles…). Le pouvoir d’achat des Français devrait y gagner, et les plus modestes pouvoir s’offrir à nouveau de la viande à la découpe.
- Des para-bijouteries. Qui n’a jamais rêvé d’offrir ou de s’offrir un beau collier ou une bague brillant de mille feux, avant de réaliser qu’il n’en avait pas les moyens ? Un problème auquel devraient remédier les para-bijouteries. Si vous n’y trouverez pas de métaux précieux ou de pierres finement taillées, vous pourrez en revanche y acheter de somptueux clous rouillés tordus à la taille exacte du doigt de l’élu(e) de votre cœur, ou encore vous faire percer les lobes d’oreilles à la perforeuse de papeterie. S’il ne sera pas nécessaire d’avoir suivi une formation en joaillerie pour travailler en para-bijouterie, les employés devront néanmoins suivre une brève formation sur l’administration en urgence de vaccins antitétaniques.
- Des para-laveries : l'exiguïté des logements des grandes métropoles, encore accru par la crise du logement, interdit à un nombre sans cesse croissant de Français de s'équiper de leur propre lave-linge. Or le nombre de laveries est aujourd’hui insuffisant pour faire face à cette demande importante d’équipements collectifs permettant le nettoyage et le séchage du linge. D’après une étude commandée par le ministère de l’économie, le coût de fonctionnement des laveries (achat et entretien d’un grand nombre de machines Miele professionnelles, factures électriques très lourdes, etc) serait le principal frein à leur installation. C’est pourquoi il sera désormais possible à tout commerçant disposant d’un pas-de-porte d’ouvrir à peu de frais une para-laverie. Aucun besoin pour cela d’investir dans de l’équipement, un simple bassin rempli d’eau stagnante où les clients pourront venir faire tremper leur linge suffira. L’eau devra simplement être changée au moins tous les trois mois.
Gageons que ces nouveaux commerces, associés aux para-bureaux de tabac mobiles qu’on trouve déjà depuis longtemps aux abords des stations de métro du nord-est parisien, offriront une bouffée d’air frais au pouvoir d’achat des Français, qui pourront à nouveau connaître la joie d’une vie sans privations.