Contes et légendes modernisés de nos régions
Publié à l’origine dans Le Cri du Lapin.
Proz'Garrak (Bretagne). Vivant dans une tanière au fin fond du massif armoricain, Proz'Garrak est un korrigan bienveillant qui, lorsque la population est menacée par une épidémie, joue de son biniou magique pour terrifier les miasmes jusqu'à ce que le R0 soit redescendu en dessous de 1. D'aucuns disent que le Finistère lui doit d'avoir été relativement épargné par le Covid.
Le Carcassu (Dauphiné). Bête légendaire reconnaissable à ses pattes de longueur inégale et à ses dents en forme de coupe-fil, le Carcassu attend la nuit pour dévaler les pentes des montagnes qui entourent la banlieue de Grenoble et s'introduire discrètement dans les technopôles, où il va ronger les câbles RJ45.
La Torasque (Provence). Adoptée suite à l'euthanasie de la Tarasque, dont le coût de fonctionnement dépassait de loin le budget de la région Provence depuis la dernière réforme des collectivités territoriales, la Torasque est un animal fabriqué en Chine, capable de terroriser au mieux un hameau de petite taille, qui ne vit pas dans les marécages (sa carapace n'est pas étanche) mais près des centres logistiques, ce qui lui permet de commander rapidement des griffes de remplacement sur AliExpress lorsque les siennes sont usées.
Le Uber Mallet (Vendée et Poitou). Lointain héritier du Cheval Mallet, le Uber Mallet apparaît aux voyageurs désespérés, lorsqu'ils marchent perdus au bord des routes et que leur smartphone est descendu à moins de 10 % de charge. Lorsque le ou la malheureuse monte dans le Uber Mallet, les portes de ce dernier se ferment brutalement et le chauffeur se met en route pour ne plus jamais s'arrêter, emportant sa victime en enfer avec lui. Rien ne différencie le conducteur du Uber Mallet d'un chauffeur ordinaire, à l'exception de la brillance maléfique de ses yeux, due au fait qu'il conduit sans interruption depuis cent quarante heures afin de réussir à se faire un SMIC à la fin du mois.
Le Pléyuffe (Île-de-France). Les chansonniers du début du XXe siècle parlaient déjà de la légende du Pléyuffe, ce loup enchanté qui se nourrissait uniquement de bière et de planches mixtes, que les fêtards croisaient devant les brasseries de Paris à la nuit tombée. On le croise encore parfois aujourd’hui, famélique et désespéré, le teint livide et les côtes à fleur de peau : victime de la gentrification, la pauvre bête ne parvient plus à se nourrir depuis que la moindre pinte est à sept euros.