Mise en garde contre les névroses thérapie-résistantes
On ne peut qu’être convaincu, surtout après avoir passé une heure sur les réseaux sociaux à constater combien la population générale en aurait besoin, que la démocratisation des psychothérapies et la normalisation du recours à un professionnel de la santé mentale constituent de grandes avancées en matière de santé publique. Elles sont néanmoins à l’origine d’un nouveau phénomène qu’aucun des pères de la psychanalyse n’avait envisagé : l’apparition de névroses thérapie-résistantes.
À l’instar des bactéries échappant de plus en plus fréquemment aux antibiotiques à large spectre, les névroses ordinaires, exposées de plus en plus fréquemment à des traitements de nature psychothérapeutiques, subissent une pression évolutive qui sélectionne les plus résistantes d’entre elles, qui n’ont plus qu’à se reproduire en contaminant l’entourage du patient¹.
Afin de réduire les conséquences de ce qui pourrait devenir une crise de santé publique majeure au cours des prochaines décennies, le ministère de la santé incite les Français à suivre quelques recommandations simples.
- Toute psychothérapie commencée doit être terminée. On voit trop souvent des analysants abandonner une psychothérapie en cours de route, alors que la totalité de la névrose n’a pas été éliminée, laissant à ses souches les plus résistantes la possibilité de proliférer. Dans les cas les plus graves, cela a pour conséquence ces romans où un auteur ressent le besoin de consacrer trois cents pages à parler de son nombril et à raconter sa psychanalyse, prouvant du même coup qu’elle a été totalement inutile.
- Ne pas exiger de thérapie auprès d’un professionnel de la santé mentale si vous n’en n’avez pas besoin. De la même façon que les antibiotiques sont sans effet sur les infections virales, la psychanalyse est démunie face à certaines afflictions.
- Ne partagez jamais les conseils donnés par votre thérapeute avec d’autres personnes, ils vous ont été prescrits pour une raison précise. De la même façon, n’offrez jamais à une autre personne d’aller chez votre psy à votre place au motif que vous avez retrouvé dans le placard de votre salle de bains la trace de quelques séances payées d’avance.
Ces consignes seront présentées au public dans deux brefs spots télé intitulés « Le divan, c’est pas automatique » (réalisation : Jacques Séguéla) et « La libre association c’est bien, en abuser ça craint » (réalisation : David Lynch).
¹ Il est évident que les névroses sont contagieuses, c’est même à cela qu’on reconnaît chaque catégorie socioculturelle d’une population.